1. Communication du Ministère de la Jeunesse et de l'Emploi

COMBATTRE LE CHOMAGE DES JEUNES ET LA PAUVRETE
PAR LA VALORISATION DE LA NATURE
Présentée par Monsieur Aboubacar IDANI,
DEP/Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi

I INTRODUCTION

A l’instar des pays en développement, le Burkina Faso se caractérise par un fort taux de croissance démographique de l’ordre de 2,37% par an entraînant ainsi une jeunesse de sa population.

Pour permettre la pleine participation des jeunes au processus de développement, les conditions de leur plein emploi doivent être réunies. Cette condition contraste avec la réalité socio-économique du pays caractérisée par une faiblesse des potentialités de création d’emploi.

En effet, l’industrie pourvoyeuse potentielle d’emplois décents, très peu développée en raison de sa faible productivité et du coût élevé des facteurs de production, ne contribue que 9,6% des emplois non agricoles. L’essentiel des emplois non agricole étant concentré dans le secteur informel (70%).

L’agriculture qui emploie plus de 85% de la population active est pratiquée selon un système d’exploitation traditionnel extensif dans des conditions climatiques difficiles. Ces facteurs climatiques et pluviométriques défavorables auxquelles s’ajoutent la dégradation des sols cultivables ont créé une faiblesse de la productivité et une situation de sous emploi assez important chez les jeunes ruraux (40%).

En dépit des efforts déployés par le Gouvernement avec l’appui des partenaires techniques et financiers pour promouvoir l’emploi, le chômage et la pauvreté des jeunes ruraux reste une préoccupation constante. Ce constat fonde légitimement notre interrogation sur l’emploi des jeunes ruraux qui, plus qu’une préoccupation, est un défi qui commande que des actions qui ciblent mieux les zones où vivent les pauvres et les activités qui les font vivre soient menées. D’où l’importance de l’environnement dans la promotion de l’emploi au Burkina Faso.

Quelles sont les potentialités de création d’emploi par la protection et la valorisation de la nature. C’est à cette question que nous tenterons, sans avoir la prétention d’être exhaustif, d’apporter des réponses en articulant notre intervention en trois parties.

II LE CHOMAGE ET LA PAUVRETE AU BURKINA FASO

2.1 Le chômage et ses caractéristiques

Il existe plusieurs définitions du Chômage. Ainsi, le chômage peut être défini comme un déséquilibre macroéconomique caractérisé par une supériorité de l’offre de travail par rapport à la demande de travail.

Il peut être appréhendé par la situation d'une personne active dépourvue d’emploi ou en arrêt involontaire et prolongé de travail, mais qui est effectivement à la recherche d'un emploi et en mesure de travailler.

En application de la définition internationale adoptée par le Bureau international du travail (BIT), un chômeur est une personne en âge de travailler qui répond simultanément à trois conditions :

- être sans emploi, c'est à dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu'une heure, durant une période de référence ;
- être disponible pour occuper un emploi ;
- chercher activement un emploi ou en avoir trouvé un qui commence ultérieurement.

Au Burkina Faso, la problématique de l’emploi des jeunes se pose avec acuité, avec pour conséquence une situation précaire du marché du travail se caractérisant par :
- une croissance rapide de la population active par rapport aux emplois créés ;
- une aggravation du sous-emploi dans le secteur rural accompagnée d’un renforcement du phénomène des migrations internes et externes ;
- une faiblesse de l’offre d’emplois dans le secteur privé ;
- etc.
Les caractéristiques du chômage au Burkina Faso sont entre autres :
- le taux de chômage pour l’ensemble du pays est relativement faible puisqu’il est de l'ordre de 2,8% en 2003 (contre 2,5% en 1994).
Ce taux se justifie cependant par le fait qu’en milieu rural où réside la majorité de la population, il est plus question de sous-emploi que de chômage ;

- le chômage est un phénomène essentiellement urbain. Le taux de chômage estimé en 2003 en milieu urbain est de 13,8% (10,6% en 1996 et 15,3% en 1998) alors qu’il est de 0,8% en milieu rural (0,3% en 1996 et 0,5% en 1998). Le taux de chômage à Ouagadougou est de 14,3% (il était de 16,4% en 1996 et de 15,4% en 2001) contre une moyenne de 9,5% dans les agglomérations secondaires ;

- la proportion des emplois salariés est très faible, 12% des emplois totaux à cause du faible taux d’absorption des secteurs public et privé ;

- le taux de chômage des femmes (2,6% en 1998) est relativement similaire à celui des hommes (2,4% en 1998) ;

- le chômage concerne majoritairement une population jeune. Ainsi, 69,4% des chômeurs sont dans la tranche d’âge allant de 15 à 34 ans.

Cet aperçu montre que le défi à relever en matière d’emploi est gigantesque, qu’il s’agisse du nombre d’emplois ou de leur qualité. Il est donc nécessaire que le Gouvernement explore tous les secteurs à forte potentialité d’emploi comme l’environnement dont les mesures de protection peuvent créer des emplois ruraux et urbains.

2.2 La pauvreté et ses caractéristiques au Burkina Faso

La pauvreté est un phénomène complexe en ce sens qu’elle se manifeste sous diverses formes : absence de revenu et de ressources productives suffisantes pour assurer les moyens d’existence viables, faible accès aux services sociaux (santé, logement, éducation, eau potable etc.), l’exclusion sociale et l’absence de participation aux prises de décisions. Elle est non seulement quantitative (son caractère monétaire -insuffisance de revenu et de consommation-) et qualitative (ses aspects liés à l’accessibilité aux besoins essentiels voire la pénurie de capacités) mais aussi dynamique.

Elle se caractérise au BF par son taux qui est de 46,4%. La pauvreté est un phénomène essentiellement rural avec plus de la moitié de la population rurale (52,3%) qui vit en dessous du seuil de pauvreté contre 19,9% en milieu urbain.

III VALORISATION DE LA NATURE, ET LUTTE CONTRE LE CHOMAGE ET LA PAUVRETE

On a parfois tendance à voir une opposition entre les objectifs de protection de l'environnement et de développement de l'emploi. Cette opposition vient du fait que les populations pauvres n’ont de capital que les ressources naturelles dont l’exploitation leur procure des revenus. Les mesures de protection de l’environnement qui limitent l’accès des pauvres au capital sont donc perçues comme des freins à la promotion de l’emploi des pauvres et des populations rurales.
Cependant, En l’absence de tout autre bien exploitable, les ressources naturelles subissent une pression des populations. Les dégradations qui vont s’en suivre provoqueront une baisse de la production et partant une aggravation de la pauvreté des populations initialement vulnérables. La dégradation de l’environnement affecte les pauvres qui en sont les premières victimes.
A y regarder de près, il apparaît que les objectifs de la politique de protection de l’environnement qui font croître « le capital vert » peuvent non seulement maintenir les emplois ruraux existants mais également générer un immense potentiel de création d'emplois si bien que nous sommes finalement conduit à conclure par l’existence d’une complémentarité entre la protection de l’environnement et la création d’emplois durables. Une politique environnementale devrait concilier donc les objectifs de protection de l’environnement et la création d’emplois.
Ces différences de vue résultent la plupart du temps des difficultés d'ajustement et d'adaptation à court terme, concernant des mesures nécessaires non seulement pour la protection de l'environnement, mais aussi pour le maintien et le développement d'emplois.
Dans notre pays où la pauvreté est essentiellement rurale, la protection de l’environnement constitue une priorité en raison du lien fort entre la pauvreté et dégradation de l’environnement. La protection de l’environnement peut être perçue donc comme une obligation morale parce qu’elle est avant tout un moyen de protection des pauvres, les plus faibles et les plus vulnérables.

3.1 Valorisation de la nature et promotion des emplois agricoles

La politique de l'environnement qui se traduit par la mise en place de dispositions de type réglementaire, d'instruments économiques (aides, incitants, taxes), de programmes d'investissements, et enfin par la mise en place d'actions en matière d'éducation et de formation a de nombreux effets directs et indirects sur l’emploi. Cette politique est déterminante pour l'activité de plusieurs secteurs économiques, tels que l’agriculture, l’élevage, l'aquaculture, la sylviculture, la pêche, le tourisme et les loisirs.
Les objectifs de la préservation de l’environnement basés sur une gestion rationnelle des ressources naturelles sont donc créateurs d’emplois. Il est reconnu qu’au Burkina Faso, le secteur pêche emploie plus de 10 000 actifs pour une contribution au PIB de 4,878 milliards de F CFA en 2003. L’exploitation forestière procure aux populations de nombreux produit non ligneux. Une étude menée sur la filière karité en 1994 estimait à 4 millions, le nombre de femmes rurales qui collectent les noix de karité.
Le sous secteur de la chasse revêt un intérêt social pour les population locales riveraines des zones cynégétiques. La chasse est non seulement source de protéine animale mais surtout d’emploi rémunérateur à travers les activités commerciales (vente de viande, de fusils, de cartouches, guides de chasse, concessionnaires, taxidermie, etc.)
Des perspectives d’emploi existent au Burkina Faso dans le domaine de l’agroforesterie, des aménagements paysagers pour peu que des innovations soient apportées en vue de susciter un intérêt pour ces activités émergentes. La surveillance des bosquets, des forêts classées et autres réserves naturelles sont des activités à forte potentialité d’emploi. En guise d’exemple, lors de la célébration de la journée internationale de la jeunesse, le MJE a mis en place dans chaque bosquet boisé un système de suivi dans lequel deux jeunes sont employés et rémunérés, équipés en charrette d’eau et en vélo. Au total, pour l’ensemble des bosquets concernés, le MJE a créé 320 emplois temporaires qui peuvent être permanents si des moyens financiers sont disponibles.
Il existe donc un vaste potentiel de création d’emplois qui découlent des objectifs de la protection de l'environnement et du développement durable. Le potentiel le plus important est à rechercher parmi les effets que la protection de l'environnement peut engendrer pour le secteur des ressources naturelles (notamment les pêches, les forêts et l'agriculture, la faune), en favorisant des modes d'exploitation plus respectueux du maintien et du renouvellement des ressources et en assurant ainsi le maintien d'emplois à plus long terme pour les populations rurales.

3.2 Valorisation de la nature et promotion des PME/PMI

Elles sont aujourd’hui nombreuses les PME/PMI qui s’investissent dans la production des biens d’équipement protecteur de l’environnement au profit des producteurs ou la distribution des produits de conservation des ressources naturelles. Les emplois créés par ces PME/PMI émergentes au BF peuvent être comptabilisés dans les emplois créés dans le domaine de la protection de la nature.
Les PME/PMI utilisant les ressources naturelles dans leur processus de production créent également des emplois. Ainsi, l'utilisation rationnelle de l'énergie à base de bois ou de charbon de bois peut créer des emplois durables pour les exploitant de bois et de charbon. Elle peut même induire une amélioration de la compétitivité des PME/PMI utilisant ces sources d’énergie dans leur processus de production, ce qui a pour conséquence la préservation des emplois existants et la création de nouveaux emplois.

3.3 Valorisation de la nature et promotion des emplois dans le secteur industriel

Dans le secteur industriel, des emplois non moins importants peuvent être créés en rapport avec la protection de l’environnement.
Ces emplois peuvent être créés en mettant en place des petites unités de transformation des déchets issus des ordures ménagères. L’organisation de la collecte, du stockage et de la transformation de ces déchets peut générer de milliers d’emplois.
Au cours de la Journée célébrée en août 2006, le MJE a initié une activité de salubrité dénommée opération zéro sachet noir. Cette opération en 2006 a permis de collecter des tonnes et des tonnes de déchets d’emballages plastiques. Le succès de cette opération a convaincu plus d’une personne sur les possibilités de création d’emploi dans le domaine de l’assainissement.
Ce nombre serait encore plus important si le Gouvernement disposait de moyen pour mettre en place ce système de suivi dans l’ensemble des réserves forestières existant et à créer. Du reste cette activité pourrait être confiée aux associations de jeunesse qui ont comme activité principale la protection de l’environnement
Autant d’emplois pourraient également être créés par des PME pour la production d’équipement de protection de l’environnement, la collecte sélective et du recyclage des déchets, la protection des ressources et des sites naturels, le traitement des eaux, etc.

3.4 Le développement de l’artisanat et la promotion de l’emploi

L’artisanat est un secteur d’activité qui tire son importance, d’une part, du nombre d’actifs qu’il occupe, environ 30 % dans les villes, et d’autre part, de son rôle qui est à la fois économique, social et culturel. Le développement s’appui en partie sur les ressources naturelles dont l’exploitation procurent au artisans des revenus. Dans ce secteur, les études ont relevé la nécessité d’encadrer les acteurs pour une utilisation durables des ressources afin de leur garantir des emplois durables. Dans cette perspective, un certain nombre de contrainte doit être levé. On retiendra par exemple :

- absence de réponses adéquates aux besoins de financement ;

- absence d’un dispositif de promotion propre à l’artisanat ;

- action de formation encore insuffisante;

- absence d’une approche du progrès technique en termes : d’investissement en équipement, de technologie adaptée, de formation orientée vers les artisans notamment ceux utilisant directement des ressources naturelle mais également ceux de la transformation des déchets.

IV EMPLOI ET ENVIRONNEMENT DANS LES STRATEGIES NATIONALES

4.1 Création d’emplois et développement agricole dans le CSLP

La lenteur du processus de réduction de la pauvreté indique qu'il est urgent d'élaborer des stratégies qui ciblent mieux les zones où vivent les pauvres et les activités qui les font vivre. Une stratégie réussie pour combattre la pauvreté au BF doit placer au premier plan l’agriculture et l’élevage qui dépendent fortement des ressources naturelles.

En effet, L'agriculture est le principal moteur de l'économie rurale du BF qui ne possèdent pas de grosses ressources minières. En effet l’agriculture occupe la majorité de la population active (86%), représente 40 % du PIB et 80 % des recettes d’exportation. L’agriculture burkinabé repose sur les ressources naturelles suivantes :

- les terres arables évaluées à environ 9 000 000 d’ha
- les ressources pastorales dont dépend l’élevage couvrent 61 % du territoire ;
- les ressources en eau dépendent essentiellement des eaux de pluie qui approvisionnent les eaux de surface et les eaux souterraines.
- les ressources forestières (16 620 000 ha, soit 16 % du territoire) et fauniques jouent également un rôle important dans le développement du secteur rural.

La réduction de la pauvreté rurale dépend des perspectives d'amélioration de la productivité des pauvres. C’es pourquoi, le Cadre stratégique de lute contre la pauvreté y consacre son axe 3 « Elargir les opportunités en matière d’emploi et d’activités génératrices de revenu pour les pauvre dans l’équité ». Cet axe considère l’agriculture comme secteur pourvoyeur d’emplois et de revenu au BF et l’élargissement des opportunités pour les pauvres passe par la création de conditions nécessaires à une croissance dans ce secteur. Ces conditions sont entre autres, l’intensification agricole, la protection des ressources naturelles. De ce fait, le CSLP articule les programmes de l’axe 3 autour de sept éléments stratégiques dont la diminution de la vulnérabilité de l’activité agricole qui dispose comme leviers principaux la gestion de la fertilité des sols, la protection et la réhabilitation du couvert végétal.

Ces deux leviers qui participent de la protection de l’environnement montre bien le lien entre la nécessité de la protection de l’environnement et la promotion de l’activité agricole, principal secteur pourvoyeur d’emploi au BF.

4.2 Le développement rural et la promotion de l’emploi dans la Politique Nationale de l’Emploi (PNE)

Les contraintes de développement du secteur demeurent importantes et elles expliquent la faible productivité du travail et l’importance du sous emploi. Des efforts importants de développement sont déjà entrepris et vont se poursuivre à travers la « Stratégie de développement rural » adoptée en décembre 2004 par le Gouvernement.

Dans le cadre de la promotion de l’emploi, les objectifs que l’on peut viser concernent l’amélioration de la productivité, l’allongement du temps d’occupation dans l’agriculture et l’élevage, et la création d’emplois ruraux non agricoles en plus grand nombre.

Une action intensive en matière d’infrastructure rurale est de nature à la fois, d’une part à générer directement des emplois ruraux, surtout si on fait appel à des modes de réalisation intensifs en main d’œuvre, et d’autre part à avoir un effet bénéfique sur la productivité agricole, et donc sur la dynamique du secteur en termes de production, de revenus et d’emplois.

La PNE et la stratégie de développement agricole doivent donc mettre en jeu deux leviers clés : d’une part, entreprendre des efforts pour moderniser l’agriculture et la faire accéder à des techniques plus productives et plus rémunératrices du travail et d’autre part, mener une action vigoureuse en vue d’une diversification et d’une intensification des productions, synonyme de travail plus soutenu et plus continu capable de réduire le sous emploi.

Plus généralement, trois types de démarches qui concernent le monde rural et qui ont un effet sur l’emploi, sont à prendre en considération :

- les mesures et les programmes qui touchent aux activités génératrices de revenus telles que les cultures de contre saison à travers l’irrigation, ont un effet d’emploi dans la mesure où ils peuvent être un facteur important de réduction du sous emploi. Ces actions sont d’autant plus importantes qu’elles sont largement tournées vers les femmes rurales ;

- les activités non agricoles en milieu rural, qui, seules, peuvent ouvrir quelques horizons d’emplois nouveaux conséquents, grâce à un développement du petit commerce et de l’artisanat de production et de services d’intérêt local, c’est à dire pour l’essentiel une expansion de la Micro et Petite Entreprise (MPE) ;

- l’espoir de créer de nouveaux emplois en milieu rural réside dans le développement de l’agrobusiness à travers les stratégies de filières qui entendent lier les productions agricoles, au sens large, à leur conditionnement, leur conservation et leur transformation industrielle, spécialement pour l’agro alimentaire et le coton. C’est le principal facteur d’expansion du travail salarié en milieu rural.
Tous ces emplois qui pourront être créés ne seront durable que si elle intègre la protection des ressources naturelle qui ont permis leurs création.

Conclusion

Le BF dispose d’énormes potentialités de création d’emploi par l’exploitation des ressources naturelles. Comme pour la plupart des autres secteurs reliés à l'emploi, la clé de la réussite dans ce domaine réside dans une volonté politique clairement exprimée, dans une mise en commun les efforts de tous les acteurs pour développer des stratégies efficaces de promotion des initiatives environnementales créatrices d’emplois durables pour les jeunes. C’est dans ce cadre, que nous trouverons l'équilibre entre exploitation des ressources naturelles et la création d’emplois qui pourra concilier les objectifs de réduction de la pauvreté, la création d’emploi et la gestion durable des ressources naturelles.